Quand il est question de cuisine, l'archipel antillais ne vient pas exactement en tête de liste des paradis gastronomiques. D'ailleurs, la plupart d'entre nous auraient de la difficulté à se rappeler le nom d'un seul plat. Sauf pour la Martinique qui a hérité des savoirs, des passions et des... obsessions culinaires françaises !
La petite île antillaise, véritable carte postale avec ses cocotiers et ses plages de sable blanc, s'est retrouvée colonie, puis préfecture et enfin département français par un formidable concours de circonstances (certains pensent qu'il est plutôt fortuit, mais nous laisserons ce jugement aux historiens).
Ce qui est certain, c'est que la cuisine et les marchés sont au centre des préoccupations des 400 000 habitants de l'île. Et qui dit France dit surtout bonne cuisine, pratiquée avec un souci du détail et de la variété que lui envie le reste du monde. La cuisine de la Martinique ne fait pas exception: elle est française dans sa structure, mais c'est une cuisine bigarrée, métissée, polychrome et aujourd'hui tout à fait moderne.
Ce mélange ethnique a beaucoup influencé la cuisine locale. De française aristocratique ou provinciale qu'elle était à l'origine (les charcuteries, les baguettes, le beurre et la crème témoignent réellement de la culture française), elle s'est créolisée avec l'ajout d'ingrédients empruntés à toutes les communautés en plus des produits indigènes et des poissons tirés de la mer, omniprésente.
Des preuves de cette mondialisation précoce? Du boudin noir, mais épicé au clou de girofle et au piment. Des acras, d'origine africaine et portugaise. Le colombo (le nom donné au curry dans sa version caribéenne). De nombreux plats de riz, un produit d'origine asiatique cultivé sur place depuis le XIXe siècle seulement. Des plats à base de tubercules d'origine africaine, qui étaient jadis surtout réservés aux esclaves...
La cuisine martiniquaise représente donc la cuisine fusion originale, un véritable laboratoire des métissages culinaires avant même l'invention du mot. À ce répertoire, on peut ajouter les produits autochtones - ananas, courges, piments, haricots - mais aussi les produits végétaux importés pendant la période coloniale: arbre à pain, bananes, papayes, christophines et surtout canne à sucre, qui a assuré pendant des siècles (avec l'esclavage) la richesse de planteurs européens.
En plus d'être goûteuse et réjouissante, cette cuisine a bien d'autres qualités parce que c'est d'abord une cuisine tropicale et ensoleillée. Ces caractéristiques transparaissent jusque dans les noms des plats, encore une fois métissés à partir d'un canevas français. Ainsi, le curry indien est devenu le colombo (du nom de la capitale du Ceylan) et la version antillaise de la brandade et du guacamole s'appelle «féroce» (on se doute un peu pour quelle raison, vu l'usage immodéré du piment fort), on peut aussi parler du «macadam» (ragoût de morue séchée), du «chatou» (poulpe) et du «touffé» (soupe de requin).
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