Comment savoir à quel moment une hospitalisation est nécessaire ?
Dr André Cabié (chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU) : Avant toute chose, il faut souligner que l'immense majorité des cas sont bénins, bien que très douloureux. La difficulté, c'est de détecter les formes graves qui nécessitent l'hospitalisation. Aujourd'hui, il n'existe aucun moyen scientifique sûr pour déterminer quels malades vont basculer vers une forme grave. Un programme de recherche que je coordonne, sur les facteurs prédictifs, vient de débuter aux Antilles. L'Organisation mondiale de la santé a publié fin 2009 une étude adaptée à notre zone, qui distingue les formes sévères ou pas, pour aider à une meilleure prise en charge. Le médecin traitant joue un rôle important dans l'orientation des patients. Dans l'intérêt de tous, il faut éviter d'engorger les services hospitaliers, car les cas graves risquent alors d'être noyés dans la masse.
Jusqu'à présent, la population était surtout sensibilisée aux risques liés à la dengue hémorragique. Il semble pourtant que certains patients, sans problème de santé antérieur, soient morts alors qu'ils présentaient une dengue classique… Comment cela s'explique-t-il ?
Dr André Cabié Le terme de "dengue hémorragique" commence à être mis de côté par l'OMS, car plusieurs décès sont survenus, alors qu'il n'y avait pas eu de saignements. Désormais, l'organisation mondiale de la santé distingue simplement entre la dengue classique et la dengue sévère. Les deux peuvent être mortelles.
L'orientation des patients qui présentent la forme sévère ne pose pas de question (baisse de tension importante, un ou plusieurs organes en mauvais état, ou hémorragies) : c'est l'hospitalisation immédiate. La prise en charge doit également être plus systématique pour les bébés de moins de six mois, les personnes âgées fragiles, les drépanocytaires, les malades chroniques (diabétiques, cardiaques, malades rénaux…), les femmes enceintes au troisième trimestre (car les risques de complications à l'accouchement sont réels).
La dengue classique, dite non sévère, peut également entraîner des complications ?
Dr André Cabié : Pour la dengue non sévère, il existe deux types d'évolution : la dengue banale, avec fièvre, maux de tête, courbatures pendant trois ou quatre jours, puis une éruption cutanée, suivie d'une période d'intense fatigue.
Certaines personnes développent en plus des signes d'alerte, pas immédiatement graves, mais qui doivent éveiller l'attention. Ces signes ne mènent pas forcément à l'hospitalisation, mais nécessitent au moins un recours aux Urgences : les patients sont alors perfusés (car ils manquent d'eau et de sel) et placés en observation pendant 24 heures. Il ne s'agit pas d'une hospitalisation au sens classique.
Quels sont ces signes d'alerte qui doivent inciter à réagir, et quand surviennent-ils ?
Dr André Cabié : Le basculement vers une forme grave de la maladie se produit généralement entre le 4e et le 7e jour. C'est la phase la plus critique. Les signes d'alerte doivent donc être guettés dès le 3e ou le 4e jour. Ils ne signifient pas que l'issue sera grave, mais nécessitent un suivi particulier.
Une dizaine de symptômes peuvent être observés par le malade, avec l'aide de son médecin : vomissements persistants, douleurs abdo-thoraciques très importantes, épanchement séreux (liquide autour des poumons ou dans le ventre), saignements muqueux, troubles du comportement, malaise ou syncope, hépatomégalie (gonflement anormal du foie), taux élevé d'hématocrite, et persistance d'une température supérieure à 39 °C au 5e ou 6e jour. Lorsque l'un de ces symptômes apparaît, il faut réagir.
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